Vincent Tichit est ingénieur études et chef de projets logistiques. Il accompagne, en qualité de consultant, des ETI et grands groupes dans la réalisation de leurs projets stratégiques en supply chain.
Sa spécialité réside dans :
- la création et la mise en œuvre de schémas directeurs logistiques ;
- la conception des entrepôts, l'optimisation des transports ;
- l'automatisation et la densification des zones de stockage.
Pouvez-vous expliquer quelle est votre expertise et quels types de clients vous accompagnez ?
Je suis consultant en logistique et transport. J'interviens principalement auprès d’industriels, soit les industriels qui fabriquent les produits finaux, soit leurs sous-traitants et prestataires. Donc je travaille à la fois avec des industriels et aussi avec des prestataires logistiques.
J'interviens sur des sujets de design de solutions logistiques et transports, et de mise en œuvre de ces solutions.
Qu’entendez-vous par “design de solutions logistiques” ?
Quand on parle de design, on part toujours d'un problème client, qui peut être, par exemple, ne plus avoir de place dans son entrepôt.
A partir du défi identifié, on formalise la solution existante, puis on définit la solution cible. Enfin, on construit une stratégie pour passer de la solution existante à la solution cible. C’est cela que j’appelle le design.
Pouvez-vous donner d'autres exemples de problématiques clients et expliquer les solutions cibles proposées ?
Une des problématiques que je rencontre régulièrement est un changement de modèle de distribution ou de modèle de commercialisation, qui va nécessiter un changement de localisation de l'entrepôt ou des entrepôts.
Cela peut aussi être une augmentation anticipée des volumes dans les prochaines années, qui risque de rendre les entrepôts actuels trop petits, ou mal localisés.
Pour une mission de design sur laquelle j’ai travaillé l'année dernière, la problématique était que mon client n'avait plus de place dans son entrepôt. Pour cette problématique, j'ai construit plusieurs scénarios permettant de densifier l'entrepôt. Il y avait un scénario avec de l 'automatisation et deux scénarios avec des méthodes conventionnelles.
J'ai aussi récemment travaillé avec un client dont les activités commerciales ont augmenté, ce qui rendait obsolète la gestion via Excel de son entrepôt. Nous avons donc étudié ensemble différentes solutions WMS pour automatiser certaines tâches.
Pensez-vous qu'il y a une taille critique à partir de laquelle un 3PL doit absolument travailler avec un WMS ?
Il y a cinq ans je vous aurais répondu oui. Aujourd'hui, il y a énormément d'acteurs qui proposent des outils WMS et OMS. Ces acteurs sont de toutes tailles. Il y a évidemment les leaders du marché mais il y a également beaucoup de petites structures qui proposent des logiciels qui ne coûtent pas si chers.
Je pense donc que pour un 3PL, se doter d'un WMS est devenu accessible. Aujourd'hui, pour 50 000 euros, vous pouvez avoir un WMS. Non seulement c'est accessible, mais en termes de délai, ces acteurs sont souvent très réactifs. Vous pouvez espérer mettre en place un nouvel outil en 6 mois ou moins.
Ce n'était pas le cas il y a quelques années quand vous deviez passé par de très gros acteurs qui ont des solutions très complexes, et donc des délais de déploiement qui sont longs.
Vous conseillez donc à n'importe quelle entreprise d'investir dans un WMS à l'heure actuelle ?
Franchement, oui. Mais attention, il faut bien choisir son WMS. Et il faut bien choisir l'entreprise qui édite ce WMS. Parce que c'est elle qui accompagnera l'entreprise dans les évolutions futures de son activité et de ses outils informatiques.
Quel genre de relation les 3PL entretiennent-ils avec les éditeurs de WMS ?
Il y a deux modèles chez les 3PL. Ceux qui maîtrisent en interne leur WMS, quand bien même il a été édité par quelqu'un d'autre. Dans ce cas, les relations avec l'éditeur sont des relations occasionnelles pour s'assurer que le contrat se passe bien, pour présenter les nouveautés de la gamme logicielle, etc.
A l'inverse, il y a des 3PL qui choisissent de confier la gestion de leur WMS à l'éditeur. Dans ce cas-là, ils doivent systématiquement faire appel à lui quand il y a un nouveau client, quand il y a un nouvel interfaçage à faire entre le WMS et l'ERP du client, etc. Dans ce cas-là on a un véritable partenariat et un travail main dans la main.
Chez les industriels que vous accompagnez, de quels types de problèmes (pain points) vous font-ils part concernant leur stock externalisé auprès de 3PL ?
L'un des sujets récurrents est le manque de visibilité sur les stocks externalisés. La solution la plus simple, dans ce cas, est d'interfacer l'ERP du client avec le logiciel WMS du 3PL via de l'EDI. Cependant, toute la difficulté réside chez le client :
- Est-ce que son système est facilement interfaçable ?
- Est-ce qu'il maîtrise son système en propre ou est-ce qu'il en a confié la gestion à un éditeur qu'il va devoir solliciter pour réaliser cet interfaçage ?
- Surtout, avec combien de 3PL travaille-t-il ?
S'il faut réaliser des interfaçages spécifiques avec chacun des 3PL, forcément, c'est plus compliqué et plus coûteux. Sachant que pour un projet d'interfaçage, on ne peut pas compter moins de trois mois. Et ça va souvent jusqu'à six mois.
Je voudrais vous poser une dernière question sur les tendances dans la supply chain en 2024. Avez-vous observé des bouleversements majeurs dans l'industrie récemment ?
Ce que j'observe, c'est que depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, tous les industriels sont obligés d'augmenter leur stock de matières premières et de composants, car il y a de réelles difficultés d'approvisionnement.
Et forcément, s'il y a des difficultés d'approvisionnement, on gonfle les stocks. Par ricochet, ça entraîne un peu partout des sujets de densification des stocks et des problèmes de manque de place dans les entrepôts.
Pour répondre à ce défi, je vois de plus en plus d'entreprises qui se tournent vers l'exploitation maximale de leur espace plutôt que des agrandissements, de la construction de nouveaux bâtiments, ou du lancement de projets plus structurants. Aujourd'hui, on préfère optimiser ce que l'on a déjà, en raison d'un climat d'incertitude sur l'avenir.
Pour optimiser l'existant, la robotisation est une des pistes les plus intéressantes selon moi. Elle est devenue de plus en plus accessible techniquement et économiquement. C'est donc de plus en plus une solution pour densifier les entrepôts des industriels.